Lonely Québécois

Après quelques discussions avec les locaux, je me suis rendu compte d'une chose évidente; je ne suis pas au Canada, je suis au Québec. Je me suis  aperçue de cette différence assez vite, car elle est chère au coeur des gens du coin. Je me suis fait conter toutes les raisons historiques - bien que je doute encore de la solvabilité de certains racontars qui traînent dans la bouche des nationalistes. Mais comme j'y vois plus clair dans cette bobine de fils ancestraux, j'ose en parler. 

Parlement au fond

Alors quelques faits pour nous aider à situer le contexte:

Le Québec est la plus grande province du Canada. Riche. Francophone. Avec une culture d'origine majoritairement française: plus précisément une majorité de francophone, des anglosaxons et 11 nations autochtones. 
Québec a des institutions distinctes des autres provinces en ce qui concerne l'éducation, la santé et l'administration de la justice. Ce qui engendre des taxes supplémentaires pour ses habitants qui paient au pays et à la province des impôts. Apparemment, cela ne serait pas le cas des autres provinces. 

Dans le cours de l'histoire, le Québec a longtemps été la province la plus développée de la colonie française. Un commerce fertile prend place entre les autochtones et les aventuriers assez cinglés pour traverser l'océan, on échange de la fourrure de castor contre des objets en métal. Québec, la ville, devient importante à mesure que les Européens débarquent pour "convertir et éduquer". Riez mais c'est comme ça que la religion chrétienne nous a rendu alpha-bêtes. Donc, on fonde Québec - là où le fleuve se rétrécit dans la langue des autochtones-  qui devient lentement, après des années difficiles, un village puis une ville. L'église s'agrandit. Un hôpital. Une cathédrale etc. Puis il y a une bataille de 20 minutes, montre en main, entre les Français et les Britanniques, installés plus au Sud. Les commandants de l'armée étaient pressés, l'un par la probabilité de combattre plus de monde avec les futurs renforts, l'autre par l'avidité de gagner la ville de Québec, point stratégique. Finalement les deux meurent de la bataille, et les Britanniques gagnent après la capitulation des Français retranchés derrière leur murs en bois. Après une guerre plus longue que quelques minutes, Québec -ville et province - est aux mains de la Couronne Britannique. 

Français - Anglais: on se mélange petit à petit même si ça n'a jamais été l'amour entre les deux pays... Enfin certaines fois, l'assimilation ne se fait pas du tout; chacun continue à vivre à sa manière. Comment faire suivre des règles britanniques à une ville pleine de Français alors qu'il n'y a que quelques soldats anglais? Bref, pendant longtemps, les deux côtés s'accommodent. Grand saut dans le temps. Puis tout ce beau monde s'affranchit pour devenir officiellement le Canada. On s'affirme publiquement et on le prouve lors des guerres mondiales. L'Angleterre ne donne plus le son de cloches pour l'autre côté de l'atlantique.

"Je me souviens" 

Dans chaque histoire, on peut couper mille fois pour trouver encore d'autres histoires. D'autres peuples. Ici, il y a l'histoire des Français qui ont immigrés, des Anglais qui ont été victorieux, des Autochtones qui ont perdus des plumes, des autres Immigrés arrivés sur le tard parce qu'en Europe ça craignait, des Américains qui ont envahis pour s'agrandir. Tout le monde s'est mélangé sur un continent qui avait de la place et des richesses à offrir à qui venait les prendre. L'avenir d'un continent s'est joué à quelques batailles clés. A Québec, pourtant, le sentiment d'être québécois et non canadien est toujours vivant. Comme si l'assimilation n'avait pas aboutie, elle ne se digérait pas vraiment. On se souvient d'où on vient et on reste amer envers quelques faits historiques.   Quelque chose reste au travers de la gorge, peut être est-ce au niveau des taxes... 

Anglais - Français - Québécois - Canadiens; qui sont-ils finalement? 

Le débat est partout, le clivage s'infiltre même dans le quotidien des gens en ville. "Mon pote est anglo-saxon mais il est cool." Un parti nationaliste nommé Parti Québécois, ou PQ, prône l'indépendance de la province par tous les moyens possibles, tandis que les partis fédéralistes prônent le maintien de l'union entre le Canada et la province du Québec. Et pour faire gros, on peut généraliser en disant que les Français d'antan sont les séparatistes d'aujourd'hui et que les Anglais prônent l'unification du Canada. Les arguments vont bon train des deux côtés. On m'a dit que d'autres régions qui se rêvent indépendantes soutiennent la cause des Québécois séparatistes - qui ne sont pas la majorité à ce que je crois. Doit-on se demander qui a raison dans ce débat? Le mal est fait.

Mais après combien de génération, devient-on originaire de la terre qu'on travaille? Comment sent-on citoyen d'un pays "passé"? Il semble qu'il réside encore des problèmes d'assimilation dans le Québec... Et je doute qu'une solution à court terme soit envisageable. Il n'y a pas eu d'accord officiel, jugé comme pour les deux parties,  entre le Québec et le Canada. Il reste des gens qui se sentent lésés par leur État, rancuniers par ce qui a été fait dans le passé. Difficile d'arranger les choses sans qu'elles n'éclatent et qu'un jour l'indépendance soit recalée au rang d'Antiquité. 

L'harmonie québécoise n'est pas pour aujourd'hui. Le passeport j'en doute aussi...