Au nom de Quoi.


Ces jours, le Québec souffre d'une crise provoquée par les politiciens. Rassurez-vous; l'économie, elle, se porte plutôt bien, du point de vue d'une Européenne lassée d'entendre que l'Espagne coule et que les autres rament. Non ici, sur cette partie du continent, une crise éthique fait rage car elle conserne des valeurs plus personnelles que le porte feuille. 


Très belle croix, en passant, au dessus de Tadoussac


Le gouvernement québécois, nommé Marois, a proposé début septembre une Charte des valeurs québécoises. Celle-ci a pour noble objectif de séparer la politique de la religion, en promouvant la neutralité religieuse des institutions de l'Etat. Ajoutons à ce beau programme les prétextes du souci d'égalité des sexes et d'intégration des différentes cultures au sein de la province. Après l'affichage officiel, et très médiatisé, sur les murs des écoles publics des principes de laïcité en France, le gouvernement Québec a cru bon de réaffirmer quelques unes de leurs valeurs. Et aujourd'hui le soufflet ne fait que d'augmenter, accentuant les différents entre les religieux, peu importe lesquels, et les laïcs ultra. Enfin, je crois bien dire en précisant que tout allait bien avant que cette charte, et il faut rajouter, toutes ces petites spécificités, débarque. 

Un des points les plus charniers est l'interdiction du port de signes religieux visibles par les employés du secteur publics et parapublics. Le débat est lancé, les chiens enragés de chaque côté montent sur leurs grands chevaux d'arguments irréfutables. Pauvre conscience qui balance entre les droits de l'Homme, l'égalité des sexes et la préservation de la culture catholique québécoise. Plusieurs principes sont mêlés à une telle charte, à tel point qu'il facile de perdre le sens profond de cette charte. Ici, le pavé a été lancé dans la marre et il s'agit maintenant de prendre position. 

Rien n'est plus clair que le fait que cette charte est mal faite. 

Premièrement, revenons à cette interdiction du port de signes religieux visibles; on en droit de se poser certaines questions: quel est le critère d'un signe visible? Le port du voile est clairement visé. On voudrait nous faire croire qu'ainsi par cet adjectif "visible" la croix chrétienne en pendentif est passable. Cependant, même petite, planquée sous les vêtements, celle-ci n'est pas à l'abri de sortir promptement. Ainsi la charte prévoit que les symboles religieux voyants soient inacceptés dans le cadre du travail à un poste de l'Etat, mais quelques petites exceptions sont de mise comme par exemple les symboles chrétiens. Ah bon... Précisons encore, que la grande croix chrétienne au sein même des locaux de de l'Assemblée nationale a été inclue dans ces exceptions. Les dirigeants vont continuer à prendre des décisions avec un énorme crucifix devant eux. Une poutre dans les yeux. Car cette croix serait un souvenir d'une alliance entre les pouvoirs temporel et spirituel du Québec dans les années 30. Ben voyons. 




J'en profite pour vous montrer une des mes nouvelles créations!
J'aime l'idée de cette petite anecdote qui montre toute l'absurdité de ce qui se passe. Les dirigeants veulent imposer une charte de laïcité remplie de dérogations qui vont dans le sens des coutumes chrétiennes. Je pense aux femmes musulmanes qui par conviction religieuses se voilent  et à qui ont demandent de faire un sacrifice "raisonnable" afin de garder leurs postes au sein de l'Etat. Car l'argument nous paraît simple pour nous (occidentaux, intégrés, voire progressistes, anti-religieux): vivre sa foi dans sa sphère privée, abandonner des rites culturels dits éparpillés pour se recentrer sur la quête spirituelle personnelle. Simple à dire mais un Indien sikth porte un turban qui le relie, selon sa croyance, directement à ses dieux. Lui demander de mettre de côté sa spiritualité visible pendant les 8 heures de travail c'est lui demander de se trahir. C'est comme demander à un végétarien d'oublier ses principes moraux, de les mettre entre parenthèse, le temps d'exercer son travail. 

Sans compter que ce que nous jugeons comme des rites religieux, obsolètes selon nous, fait partie intégrante des religions, de leurs cultures de chaque individu. La religion et la culture sont intimement liées; croyances et pratiques sont indissociables. Certes, lorsqu'on est un étranger dans un pays, on doit s'adapter afin de s'intégrer. Il en est de même si moi, femme occidentale, vais dans un pays musulman, un qui ne soit pas extrémiste, on s'entend... Je ne suis pas sûre qu'on me demandera d'enlever ma croix. Ma phrase préférée dans ces circonstances de questionnements éthiques: "La liberté de chacun s'arrête là où commence celle de l'autre". Si Monsieur porte sa kipa devant moi, au travail, est-ce qu'il enfreint ma liberté?

Sachez aussi; en France, en Espagne, en Belgique; il est interdit de porter des signes de religions ostentatoires. Par contre, en Iran, en Afghanistan, il est obligé d'en porter un. L'obligation, quand elle n'est pas d'ordre public, de santé ou de moralité humaine, peut s'apparenter à un ordre de dictature. 

Ce qui d'après moi le plus important est que les lois, les actes et les décisions de ces fonctionnaires soient neutres et impartiales. Leur apparence leur est propre. Car si on interdit leur port de voile, les turbans, les croix et les kipas, quelle sera la prochaine restriction? Dans peu de temps, les barbes pourront se voir interdites sous prétexte qu'elles rappellent les extrémistes islamistes. OUI, c'est possible. La laïcité est précieuse, tout autant que l'intégrité de chaque individu d'un Etat. L'habit ne fait pas le moine mais les symboles de notre religion nous sont propres. Laissez-nous la liberté et refaites une charte des valeurs avec des principes égaux.  

Commentaires