Amigo-express, on m'avait dit.
On m'avait dit: " T'inquiète franchement, le co-voiturage c'est cool!"
Tout le monde au Québec fonctionne avec ce système, une voiture, des inconnus et un budget partagé. Il y a d'ailleurs plusieurs sites qui aident les conducteurs et les passagers à se trouver en fonction de la destination, de la date et du lieu. Les transports en commun n'étant pas la priorité du gouvernement québécois ni canadien, dû au règne lucratif du pick-up et à la taille du territoire qu'il faudrait alors desservir, il fallait bien trouver une solution. Go Amigoexpress et Allostop!
Alors j'ai testé. Maintenant je peux dire " Le co-voiturage c'est l'aventure pure!"
A: là d'où je pars B: là où ça se passe C: là où je vais |
Vendredi passé, 6 septembre, je décide de m'en aller à Tadoussac. Malgré les obstacles, peu importe, je m'en vais pour ne pas rester à Québec derrière ma fenêtre à me demander quoi faire. Après quelques recherches, je trouve un gars qui descend à Tadoussac pour 16h. Le type, à l'allure brouillonne d'un Indiana Jones des mers nordiques avec un reste d'hippie dans les pantalons coton, se pointe chez moi et là commence mon périple qui, je pensais, allait être commode. La voiture est vieille mais " elle roule bien". M.Jones me raconte ses projets futurs de WiFi, sa carrière de marin remplaçant, son voilier au Panama, son vieux chalet à retaper, sa reconversion prochaine en photographe de studio. Je touche là un point essentiel au système de co-voiturage au Québec; ici, on ramasse les gens pour avoir de la compagnie pour les longues heures de conduite, en Suisse, c'est pour dépanner qu'on le fait. Bref, quelques kilomètres passent, le paysage splendide défile. On longe le fleuve par une petite route, quand soudain à la montée, un gros bruit à l'arrière, du côté de la roue dont l'amortisseur est foutu, se fait entendre. Précision du moment: la voiture est de 1986, plus aucune pièce ne se fait. Bon, on continue et le bruit s'amplifie au fur et à mesure. Chaque tour de roue se fait entendre. Je pince les lèvres. "Oh merde" dit-il nonchalant. On s'arrête, il enlève la roue, je me gèle. Le deuxième "Oh merde" bien que plus discret, veut tout dire. C'est fini. Plus de voiture. La pièce qui tient la roue à la structure de la voiture est pliée en deux. -J'ai un croquis si jamais.-
VOITURE KAPUT.
Pas grave, un réparateur va venir je me dis. Que nenni. La voiture est trop vieille, te dis-je, on va faire du pouce. Bon alors je m'habille, prends mon sac sur les épaules et attend qu'il vide sa voiture de ses bagages. Les voitures passent et je le regarde jusqu'à ce que je comprenne que sa voiture est bonne pour la casse présentement. Il vide, trie les affaires dedans. Reste un paquet de croissants, un chapeau de pirate et des papiers. Ok. Le pouce. Un gars arrive chercher son courrier, part, revient pour nous aider. On trouve un premier lift jusqu'à la prochaine ville, c'est un travailleur Hondurien qui nous embarque. Il hallucine un moment quand on lui parle en espagnol. On arrive à La Malbaie, et là un miracle. Je lève le pouce et la première voiture s'arrête. Un petit vieux, sculpteur à Québec, s'en va à son chalet pêcher de la truite avec quelques bonnes provisions - une bouteille de Scotch pleine et des bottes. Il tasse ses courses et nous amène le plus loin possible. Je rigole bien avec lui, ses blagues sont franches et ses oreilles sourdes. Il me parle des suisses, ces foutus écureuils qui ont élu domicile dans le refuge qu'il a construit pour les chauves souris. 25 minutes plus tard, ciao, merci et bonne chance. On est de nouveau au bord de la route. Jusqu'à là, tout va bien, je souris.
On est au bord de la route, je lève le pouce parce que c'est moi la blonde. Le temps de nous regarder et je me dis qu'on ressemble vraiment à rien. Enfin je veux dire, que si j'étais en voiture c'est sûr que je m'arrêterai pas pour nous. Indiana Jones avec son sac à dos, son chapeau plumé, sa veste en cuir brune, son frigo portatif, son sac de trépied et de flash et sa besace en tissu péruvien. Moi qui sait pas trop ce que je fous là. On rigole de nous un moment. Le silence. Chaque voiture qui passe est un espoir qui s'envole. La vue est toujours belle, mais la nuit tombe. Le silence nous dit de redoubler d'effort et de sourire à chaque char. A vrai dire, on désespère pas encore mais on aimerait bien se réchauffer. Et hop. Une voiture s'arrête, on ramasse nos clics et on court pour surtout pas qu'elle nous échappe. En même temps, encore une fois, à leur place, j'aurai redémarrer en nous voyant courir dans ma direction. Le couple est gentil. La discussion tourne vite sur les voitures et je préfère admirer la forêt qui s'éteint peu à peu. On arrive à Tadoussac, après le bateau traversier.
Même eu le temps de faire un peu de tourisme. |
Merci, merci, merci. A bientôt. Etc. Nous sommes arrivés à l'auberge de jeunesse de Tadoussac - complète pour tout le week end ce qui m'oblige à loger dans un gîte en haut du village. Mon ami, un peu embêté vis à vis de moi pour l'aventure qu'on vient d'avoir, redouble de propositions. " Reste ici, ça sera sympa tu verras! J'ai des trucs à manger et après je trouve la clé du vanne communautaire et je te pousse jusqu'à ton gîte." Ok, moi j'en peux plus. Manger un truc je veux bien mais après, je vais à mon gîte surtout qu'on m'attend - ce qui est plus un prétexte pour me barrer. Bien que l'ambiance du lieu a l'air super sympa, je veux être soulagée d'être arrivée. On mange un toast mou et un canapé de légumes congelés au milieu et coulant à l'extérieur, qui proviennent de son frigo. Et me voilà de retour, à pied, avec mon sac à dos, longeant la route, à monter la pente de 1.5 kilomètre pour aller trouver le repos tout en haut. L'exercice est un peu physique mais je ne me ménage pas, cela me semble facile après tout.
J'y suis. L'accueil est chaleureux. La dame n'en revient pas de me voir à pied.
Petite morale de l'histoire: ne vous attendez jamais à un simple co-voiturage, c'est toute une expérience que de monter dans la voiture de quelqu'un. Au final, je n'ai pas été en danger, j'ai eu des anecdotes quelques peu rocambolesques. Certains diront que j'ai eu de la chance et que j'aurai pu tomber sur un fou furieux, mais c'est simplement des histoires qui nous apprennent à être prudent pour chaque nouvelle rencontre, surtout quand on est une femme seule. C'est tout. Et malgré toute l'aventure de ce vendredi, j'ai repris le co-voiturage pour rentrer - qui s'est soldée par une belle rencontre avec un couple franco-hispano.
Marée basse sur la plage de Tadoussac |
That's a true story!
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