La contagion de Keny
Ce qui est beau, c'est la passion dont l'homme peut être capable. Propre à celui-ci, elle le différencie de par sa définition de l'animal incapable d'un sentiment si controversé. Car la passion, si elle fait partie intégrante de l'Homme, le dénaturise par la même occasion. Il devient alors un animal méconnaissable agissant par pure impulsion. La passion, oui c'est bien elle, anime Keny Arkana ce soir de mars aux docks.
Contagieux, le beat que la rappeuse scande, nous emmène n'importe où. Une forêt de poings se lèvent par intermittence . Avoir quelques l'instant l'illusion de ne faire qu'un avec cette foule. Un contre le monde qui globalise et tue l'individu selon la Marseillaise. Cette énergie se propage et fait bouger la salle blindée. On joue à guichets fermés. Les concerts de rap français ne sont pas dans mon habitude… Ma seule justification était ma curiosité de voir en live cette petite aux épaules bien larges pour porter à elle seule la couronne féminine du rap. Cet univers principalement masculin n'a plus qu'une reine, les autres ont mis les voiles.
L'artiste généreuse - à son habitude?- nous sert son cocktail de rébellion contre le militantisme, la globalisation capitaliste et la répression de l'Etat. De toute manière, peu importe ce qu'elle nous prépare ce soir, le public est entièrement acquis. Ils l'aiment, elle les aiment, un amour qu'elle prouvera en 2h20 de concert. A un certain moment, je me demande comment font ses musiciens qu'elle nous a présentés en début de set. Au nombre de 5- DJ à l'arrière, keyboard, batterie, basse et guitare ( oui le rap s'instrumentalise) - ils ne lâchent pas, même une seconde.
L'ambiance est là, mais pour moi, le spectacle est ailleurs, plus en haut à droite sur le balcon. Un sécu dos à la scène, dopé par l'envie de bien accomplir son job, attend. Par intermittence, il sort sa lampe torche, la braque sur le public. S'en est trop, fulminant, il descend se jeter sur le fumeur. Tout le monde est au taquet, encore plus lorsque Keny Arkana entame Gens pressés, l'un des meilleurs titres de son dernier album, Tout tourne autour du soleil, sorti en décembre 2012. Dans ce morceau, la jeune femme prouve sa maîtrise du rythme; son élocution est parfaite, ses mots claquent.
De ce concert, tu ressors assommé, avec une impression qu'on t'a lavé le cerveau à l'eau salée. Une prestation qui s'inscrit dans le registre politiquement enragé, dont tu te ne distingues plus très bien distinctement les pour ou les contre. Si ce n'est les mains, des poings au début du concert, qui s'ouvrent, comme pour accepter la passion de l'artiste et la lui renvoyer.
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