A la porte

Il est tard, je rentre chez moi fatiguée après une journée au frais et remplie de rencontres. Autant dire que je souhaite survoler les quatre étages d'escaliers qui me séparent de mon lit au plus vite. Pouvoir enfin relâcher la pression et tous les sacs en plastiques que j'ai sur les épaules, et me réchauffer dans les bras de Morphée.

Mais la concierge en a décidé autrement. Enfin, je suppose que c'est elle car depuis cette semaine, je l'ai nommée bouc-émissaire - à raison c'est sûr- de mes démêlées avec la Poste. Elle n'avait pas à enlever la jolie étiquette avec mon nom sur ma boîte aux lettres, alors même que j'attendais des paquets précieux. Bref, la concierge a décidé pour la première fois en 6 mois de fermer à clé la porte de l'immeuble en bas.

Une grotte sans porte. C'est ça qu'il me faut.

Mes clés, forcément, se cachent quelque part. Alors je me secoue avec vigueur pour trouver d'où leur cliquettement provient. Au fond du sac rempli d'un bordel divers dont seules les filles ont le secret.
Sésame trouvé. Mais elles se bloquent dans la porte maintenant. Le froid peut-être.

C'est ce que tout le monde penserait. Je suis fatiguée et ma patience étiolée me fait penser à toutes ces histoires de portes figuratives que je n'arrive pas ouvrir. A toutes celles que je souhaite fermer mais que je laisse ouvertes par inadvertance et par peur de celles à venir. Cette dernière semaine, particulièrement, j'ai eu en tête la volonté d'en fermer deux à clé pour passer à autre chose. Et là il est minuit passé et ma porte d'immeuble retient mes clés. Mes mains glissent et j'ai beau secouer la porte, mes clés bloquent tout mécanisme, tout mouvement.

Symboliquement c'est fort dans ma tête.
Surtout que les personnes proches de moi savent que j'ai toujours eu un souci avec les clés. Que je les perde ou que je les oublie, les clés ont toujours été un dilemme pour moi. D'ailleurs, je m'arrange toujours pour que je ne sois pas la personne à devoir les garder ou à ouvrir une porte particulièrement difficile. Je ne tourne jamais dans le bon sens, même la porte d'entrée de chez moi demeure un obstacle. Je ne pousse jamais avec la bonne précision, le bon tact, la poignée.

Il est minuit passé, et je crois sérieusement que je vais pleurer ou rentrer chez mes parents. Et sorti de nulle part, un monsieur arrive de l'autre côté. Son sac de lessive sur l'épaule, plein d'empathie, il m'ouvre et libère mes clés. Noyé par mon sourire reconnaissant, mes mercis franches et essoufflés, le monsieur s'en va vite en haut des escaliers. Il a dû comprendre vu ma tête que j'étais heureuse de ne pas rester dehors au froid et en proie à ma psychologie de couloir. Malheureusement je ne crois pas qu'il parlait français... ni qu'il comprenait mon soulagement.

Histoire résolue, porte ouverte, pour cette fois. Que deviendront les autres?

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