"Ca s'en vient..."

- "Ca s'en vient!"
- "Oui je crois que ça s'en vient par là!"
- "Ohhhh oui, ça s'en vient!" 

Cette phrase, je l'entends depuis la mi-octobre, je crois que la première fois c'était avec mon papa à l'entrée d'un petit magasin. Chaque coup de froid depuis octobre faisait que la phrase ressortait plus souvent. L'utilisation du pronom démonstratif amplifie le flou autour du ça. Les gens en parlent comme une bête qui ravage leur vie. Tout l'automne, l'animal est craint, on en parle à  l'avance, on s'y prépare puis enfin il frappe par petits coups d'abord puis il s'installe et on l'apprivoise. Le "ça": c'est l'hiver. Celui qui mord, qui s'infiltre partout, qui surprend tout en prévenant, celui qui ne lâche pas le Québec pendant 6 mois. L'hiver est long, parfois jusqu'en mai. Il prend toutes les habitudes des gens et les modifie à sa façon. Les lieux sont remaniés, on rajoute des entre-portes, des tapis. La pelle trône à côté des portes. Tout le monde s'équipe. Non non, ici, pas de petites minettes de gare qui bravent le froid avec des décolletés ou qui osent les talons. On porte manteaux, bonnets et bottes d'hiver car c'est nécessaire. Tout le monde, tout le temps. Il fait réellement l'hiver. 

Des fois c'est même la tempête hivernale. C'est ce qu'ils disent tous.

En tout cas, pour moi, ça s'en vient aussi. Mon ça, c'est mon départ, mon retour en Suisse. La fin d'un stage, les retrouvailles avec tous les gens que j'aime. Ma liste de derniers a déjà commencée. Et autant dire que le dernier week end a filé vite... 

C'était jeudi après-midi, j'avais tellement froid au travail, que je portais les peaux de castors de Mathieu.

Petit survol:

Vendredi. Les missions se sont s'enchaînées car il faut aller vite, demain - samedi si vous suivez - est vite là et c'est le lancement de la marque. Mathieu redouble de vitesse pour finir cartes et autres papiers à imprimer. 15h30, on court, on court en se promettant que c'est le dernier rush de décembre. Il a rendez-vous chez le garage pour mettre les pneus neige > il faut sortir le char du tas de neige et mettre les pneus dans son coffre. Simple. 
Ah oui, mais les 4 pneus sont sous le canoë sur la terrasse, elle-même sous 40cm de neige, quant à la voiture, c'est pareil, enterrée dans la rue. Bref, la portière conducteur et la porte du coffre sont gelées, impossible de les ouvrir. Je ne peux m'empêcher de rire. On charge les pneus et moi je vais à l'imprimerie avec  les fichiers. Blablabla. Rencontre presque normale à l'imprimerie; le gars commence à me connaître, ses intonations de voix sont tellement en contraste avec son style de gothique. "Parfait parfait!" si joyeusement dit, c'est génial pour un type qui porte un t-shirt grunge avec un groupe de zoobie métallique. A côté, il y a une petite dame plus ou moins religieuse qui me fait la causette, me demande mon prénom et le crie dans tout le local quand elle cherche son stylo. Elle me fait des compliments sur mon style de chaussures, croyez-le c'est possible. Je lui dis même où se procurer "ces magnifiques bottes". 19h retour au boulot et jusqu'à plus de minuit, j'étiquette les t-shirts, les trie, les annote tout en buvant du thé et du smoothie. Jolie vie.  


Samedi, rdv 14h. Il fait réellement -25° dehors! La liste des courses est longue: monnaie - diffuseur d'odeur - sacs papiers - PQ - cidre - papier de soie - repas  - site internet. Reste plus que 80 t-shirts à repasser et à plier avant le début de la fête; le lancement de la marque. Reste la terrasse à déneiger pour les fumeurs. Et une table de marchandise à faire. Une playlist à vérifier. Un repas à faire, une sieste sur le canapé après (j'en peux plus). 9h25 les premiers arrivent... Du monde pour Mathieu. Je mets enfin des visages sur les noms de tout l'entourage de Mathieu que je commence à connaître, à force de les côtoyer dans des aventures rocambolesques avec des castors et des canoës. Et pour eux, je ne suis pas quelqu'un à proprement parlé, juste une fille Sarah d'une fête. Le ton change dès que je me présente comme "la stagiaire". Là, les gens me situent. 24h30; discours de Mathieu. Il explique tout le concept de la marque. Braver les interdits pour profiter de la nature. "Merci à Sarah! C'est la petite blonde au fond!"


Dimanche. 8h30 départ dans LE froid - il me suit celui-là - C'est vraiment la tempête. On marche avec Monique et son énorme valise verte pomme pour aller chercher un bus. Traverser le désert sibérien que les rues de Québec sont devenues tout en baissant la tête n'est pas chose facile sur un sol glissant. Aujourd'hui, j'aide à l'organisation pour les spectacles de danse de Noël à 10h - 13h - 15h30, là où Monique enseigne. Je fais un peu tout et un peu rien. M'occupe de la caméra et des tutus des filles, de leur brillants qu'il faut mettre à gauche. Des costumes qu'il faut compter entre chaque show. Bref je fais des allers-retours en brassant beaucoup d'air. Epuisées, on rentre avec un stock énorme de costumes, entassés à 5 dans une voiture de parents d'élève. Des cartons sur les genoux jusqu'au plafond. Dans la rue, le temps a fait son travail: la neige est partout, tout est blanc. Au moins 30cm de neige. 18h30 repas de spaghuettis avec ma coloc - elle sort le cidre mousseux. Je crois qu'elle est contente, on fête son avant-dernier jour de travail. Puis on s'emballe avec des couvertures pour regarder un film devant le sapin. Ah oui, les chats ont vomi dans ma chambre parce que c'est la plus chaude.


Heureuse d'avoir vécu pareille agitation après des week-ends outrageusement calmes tout en bravant le réel froid de ces derniers jours, je me répète que ça s'en vient. C'est pour bientôt.

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